Dans l'atelier de Marjolaine Bourdua - Décloisonner la création

Dans l'atelier de Marjolaine Bourdua - décloisonner la création

Dans l'atelier de Marjolaine Bourdua, photo de Jean-Michael Seminaro

Certain.e.s d’entre vous la connaissent par le magnifique carré de soie qu’elle a conçu avec nous, d’autres ont pu admirer son travail sculptural lors de la toute dernière exposition de la galerie atelier b dans le Vieux-Montréal en 2020, en pleine pandémie.

J’ai la chance d’être amie avec Marjolaine Bourdua depuis maintenant vingt-cinq ans: c’est l'une de mes plus longues amitiés et les souvenirs partagés forment des strates précieuses. Chaque fois que Catherine et moi nous apprêtons à franchir une nouvelle étape ou que nous doutons des orientations à suivre, nous avons des conversations aussi riches que confrontantes avec elle, parce que nous estimons son avis et souhaitons qu’elle éclaire nos angles morts.

Voici donc une incursion dans l’atelier de Marjolaine, où je l’ai rencontrée pour discuter de filiation, de couleurs et de l’importance d’un atelier à soi.

 

Dans l'atelier de Marjolaine Bourdua, photo de Jean-Michael Seminaro


L’espace-temps propre à l’atelier

« L’atelier, ce n’est pas juste un lieu physique où on peut laisser des choses en plan, les voir, et les revoir avec un regard frais », déclare Marjolaine quand je lui demande quelle importance revêt pour elle l’atelier. « C’est aussi un espace mental où il y a d’autres types d’idées et de sensibilités qui peuvent se déployer, reposer, être amorcées puis abandonnées. »

Peu de temps après être devenue mère, Marjolaine s’est d’abord remise à créer depuis sa cuisine, développant la série en cire Les écumes, puis a migré au-dessus de l’atelier b, où nous lui avons fait une place dans nos bureaux, et où elle s’est lancée dans une série de dessins. Dans les deux cas, l’espace disponible a orienté son art, puisqu’elle n’avait ni accès à plusieurs heures consécutives ni à de vastes surfaces. Lorsqu’elle a enfin pu investir à nouveau dans la location d’un atelier sur Bellechasse (son atelier est désormais sur Papineau depuis le début de la pandémie), elle a compris que c’est la sculpture qui lui permet de mieux s’exprimer, et que cela nécessite un espace conséquent. Aussi essentiel soit-il, elle est consciente de la chance que représente l’accès à une espace de création dans le contexte de crise des ateliers d’artistes (rendu visible notamment par le mouvement #nosateliers) et de fragilisation du milieu que cette précarisation a entraînée. 

Dans l'atelier de Marjolaine Bourdua, photo de Jean-Michael Seminaro

L’atelier lui a aussi permis de réserver un espace dans sa vie pour sa pratique artistique, qu’elle a jalousement protégé du reste. « J’ai trouvé ça tellement difficile, de combiner l’expérience de la maternité avec ma vie d’artiste - en plus du travail alimentaire dans le milieu culturel, qui comporte lui aussi son lot d’insécurités. C’est pour cette raison que j’ai souvent ressenti le besoin de créer une bulle autour de cet espace-là », explique-t-elle.

En tant que designer et entrepreneure, se permettre la lenteur demeure toujours un défi, même si notre travail à atelier b s’enrichit dès qu’on y parvient. Je me suis toujours entourée d’artistes, et c’est en partie parce que le temps qu’ils choisissent de consacrer à leur art pour le faire émerger m’inspire au plus haut point.

Marjolaine acquiesce : l’atelier, « c’est un rythme et un lieu qui est différent du reste de la vie. Dans le monde capitaliste dans lequel on vit, passer du temps long à l’atelier à travailler sur des tracés, des dessins et des objets, ça devient très vite quelque chose de politique. J’apprends à accepter davantage les rythmes qui sont les miens. Il y a une sorte de douce résistance là-dedans. »

Marjolaine Bourdua à la galerie atelier b, photos de Jean-Michael Seminaro.

 

Des formes qui poussent

Au début de la pandémie, dans le climat étrangement inquiétant qui régnait, Marjolaine a conçu et présenté Des formes poussent, une exposition de pièces sculpturales qui a conclu l’aventure de la galerie atelier b dans le local plein d’histoire du Vieux-Montréal. « Je me considère vraiment chanceuse d’y avoir présenté la dernière exposition », affirme-t-elle. Ce n’est pas ici que nous reviendrons exhaustivement sur son expérience, puisque Marjolaine signe une réflexion à ce propos dans le livre à paraître très bientôt sur les dix ans de la boutique. J'ai tout de même eu envie de lui demander quelle place ce corpus a occupée dans sa pratique artistique.

« Cette exposition m’a permis de concrétiser une recherche artistique, mais aussi de m’ancrer dans ma pratique d’atelier. Ça m’a servi de refuge pendant la pandémie. À partir de là, je n’avais pas l’impression d’être allée au bout de mon exploration et j’ai continué cette série. Quelques-unes ont été exposées jusqu’à tout récemment au Musée d’art de Joliette, j'en ai produites des nouvelles aussi. »

Dans l'atelier de Marjolaine Bourdua, photo de Jean-Michael Seminaro

 

L’art du coloris juste

« La couleur, c’est une façon pour moi de travailler le mood de l’objet, son ambiance, sa tonalité au sens propre comme au figuré. C’est un aspect sur lequel je mets beaucoup de soin. »

Ce n’est pas un secret pour nous : après avoir collaboré avec Marjolaine pour la création du carré de soie, où nous avons épié sa manière de travailler la couleur et ses sélections surprenantes, nous avons développé une question récurrente quand vient le temps d’élaborer les palettes de nos collections : " What would Marjolaine choose?" Chez atelier b, Catherine et moi disons souvent à notre équipe : « Plus les couleurs sont difficiles à nommer, mieux c’est, parce que cela veut dire que ce sont des couleurs inusitées. »

Et le travail de notre amie comporte cette richesse qui rend difficile de circonscrire ses créations en peu de mots. « Il y a souvent le «pas tout à fait» dans mon travail. Le faux joyeux, la couleur vieille, mais appliquée dans une belle couche neuve : cette tension m’intéresse. » Pour l’artiste visuelle, ses sculptures apportent une certaine rugosité au monde : les objets qu’elle façonne sont à la fois attirants et ludiques, tout en générant une certaine friction lorsque notre attention s’y pose.

Dans l'atelier de Marjolaine Bourdua, photo de Jean-Michael Seminaro

Tous les chapeaux rassemblés

En parallèle de sa pratique artistique, Marjolaine Bourdua est aussi médiatrice culturelle, un domaine dans lequel ses compétences sont reconnues. Alors que ces deux aspects de sa vie — qui se nourrissent pourtant l’un l’autre — ont toujours été cloisonnés, la Fondation Phi l’a approchée en 2021 pour le projet d’engagement public Incandescences, afin qu’elle relie ses deux pratiques. « Pour moi y a eu un côté apaisant dans le fait de réaliser Se joignent les mises à distance, parce que j’ai eu l’impression de ramener tous mes chapeaux dans un même espace, au sens propre et figuré. »

Marjolaine Bourdua – Se joignent les mises à distance | Joining Barriers | Fondation PHI from Fondation PHI on Vimeo.

Ce mouvement de décloisonnement se traduit également dans ses projets à venir, où elle intègre des notions léguées par sa grand-mère paternelle, artisane sur tous les fronts qui allait à l’inverse de notre tendance actuelle à la spécialisation. « Je ne suis ni la même femme ni la même artiste grâce à tout ce que j’ai appris par observation de ses gestes: nous étions très proche et elle faisait partie de mon quotidien. Il y a une sorte d’héritage et de patrimoine manuel que j’ai envie de célébrer. »

Cette réflexion et ce désir de rendre hommage me touchent, parce que je sens que Catherine et moi avons ce même élan d’honorer la transmission et la filiation, inspirées par nos enfants, qui nous guident dans toutes nos décisions. 

Pour Marjolaine, la maternité lui a fait comprendre l’importance de cultiver ses diverses facettes avec autant d'énergie: « J’ai besoin de m’occuper de ma vie d’artiste pour être une maman épanouie. La corrélation est évidente. Et à l’inverse, je considère être une meilleure artiste et une meilleure personne grâce à mon enfant. »

Dans l'atelier de Marjolaine Bourdua, photo de Jean-Michael Seminaro


Si les débuts de la conciliation famille-art ont été douloureux et ont demandé une compartimentation étanche, le temps qui passe lui permet d’expérimenter la porosité : « La maternité, ça m’apporte une plus grande souplesse à laisser déborder ma pratique d’artiste dans le reste de ma vie, et à l’inverse accepter qu’elle soit contaminée par d’autres choses que je ramène avec moi à l’atelier. »

Ce mouvement de pollinisation entre les sphères de sa vie se matérialise notamment dans l’introduction de matières végétales qui trouvent leur place dans son atelier, et qui se faufileront petit à petit dans ses œuvres, tout comme la réflexion sur l’omniprésence des technologies numériques dans son travail des derniers mois. 

À l’image de son exposition Des formes poussent, l’heure est à la croissance et à la floraison pour Marjolaine Bourdua, qui a beaucoup investi dans les dernières années à enrichir le terreau de son imaginaire. « Après avoir passé les dernières années à m’enraciner dans mon travail et ma posture d’artiste, je sens que je dois maintenant véritablement infuser et habiter ma pratique. »

Photos de Jean-Michael Seminaro.
Rédaction de Maryse Boyce d'après une entrevue d'Anne-Marie Laflamme.
Traduction de Mathieu Pipe-Rondeau.

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